
Je photographie pour être là ... un peu plus.
Pour suspendre le temps, bien sûr, mais aussi me l'approprier et le partager.
Je le vis à la fois comme une inscription dans le monde et la possibilité de lui donner une autre dimension, extraire de la réalité ses couleurs cachées, ses lumières, dévoiler son intensité, offrant
à lire autrement le théâtre chromatique de nos vies...
En photographiant, j'accède à un révélateur d'émotions, d'imaginaire, de pensées, que j'ai plaisir
à exposer, pour tenter de transformer chaque instant figé en une évocation.
" L'objectif puise à la palette des hasards vivants..."
Ici, la couleur est poussée à bout. Elle sature. On le voit : la couleur crie. ÇA CRIE. Elle klaxonne, fesse la conscience du visiteur. Pas de morale, la beauté n’a pas de morale, elle est toujours là où on ne l’attend pas. L’œil acéré l’a débusquée pourtant ; et nous la livre, crue, avec ses alertes toxiques, ses traces d’humanités lascives ou passives, ses faux-semblants, ses ambivalences, épinglées dans l’époque, qui pince le cœur. Ou bien la couleur impudique se livre au jeu de la séduction picturale et rivalise de mystérieuses compositions photographiques : l’objectif puise à la palette des hasards vivants, aux monuments du monde et ouvre un nouveau paysage, vertigineux parfois quand les espaces et les directions se confondent. Parfois une dimension inopinée jaillit, un autoportrait fugace, ou, en creux, une espièglerie, prise dans les paradoxes de la vie ordinaire (ici ou ailleurs), ou dans les signes muets des luttes perdues. La beauté est rebelle. Infiniment.
Là, la pudeur feutrée des émotions intimes, black & white en formes et matières. La lumière joue. Portraits détournés, nus dévoilés, matières charnelles et support et châssis ; La forme contraste la matière, lui donne vie. La matière contracte la forme, qui clame son innocence. Les jeux d’exposition font parfois un paysage plus terrible, tragique, sans issue. C’est selon le rythme et l’intensité que le triptyque impose au plexus, ou selon ce qui abreuve l’œil, parfois perdu : qui cherche une origine, une cause, et qui mastique, avant de déguster l’évidence et le bon goût de l’effet papillon…
Cathy Delpech-Hellsten